L’électrohypersensibilité (l’EHS) est une intolérance aux champs électromagnétiques
due à une exposition croissante aux ondes (électrosmog).
Vocabulaire :
EHS: électrohypersensible (tout lié), électrohypersensibilité (Validé par notre comité médico-scientifique)
MCS : chimicosensible (tout lié) chimicosensibilité (Validé par notre comité médico-scientifique)
Electrosmog : c’est l’ensemble des champs électriques et des champs magnétiques. On parle de pollution électromagnétique entrainée par les technologies sans fil, wifi, téléphonie, lignes très haute tension . etc
- La Symptomatologie
Elle se caractérise par de multiples symptômes :
Insomnies -Maux de tête – Acouphènes – Douleurs articulaires et musculaires – Fatigue chronique, épuisement -Tachycardie
Hyperactivité – Stress, angoisse, panique -Troubles cognitifs
- Les Conséquences
« Les ondes sont leurs pires ennemies » : L’ensemble des troubles occasionnés conduisent les personnes les plus sévèrement touchées à des situations d’errance terribles. Elles sont obligées de fuir les villes, de quitter leur logement, leur travail, famille et amis (qui ne comprennent pas) à la recherche de zones blanches. Certaines vivent au fond des bois dans des cabanes, des yourtes, des caravanes ou des fourgons aménagés.
- Degrés de gravité
AZB distingue trois degrés de gravité par ordre croissant selon les conséquences sur la vie quotidienne :
Stade 1 : Une gêne physique et/ou un mal-être léger. Les symptômes ressentis ne modifient pas ou modifient très peu la vie sociale et professionnelle.
Stade 2 : Un ou plusieurs troubles prolongés, réversibles ou non, exigeant des efforts pour maintenir les activités professionnelles, sociales et/ou privées à leur niveau antérieur.
Stade 3 : Des troubles majeurs entraînant un handicap professionnel et social permanent.
Les stades 2 et 3 concernent les personnes les plus gravement touchées qui ne peuvent plus vivre normalement et qui sont contraintes à trouver des lieux de vie sans ondes. Leur quotidien devient souffrance, isolement, vulnérabilité, perte d’emploi, précarité etc .
- Témoignage des souffrances vécues par une personne électrohypersensible (et aussi psychologue), Mai 2021
Dans ce témoignage, je tente de distinguer les souffrances manifestes, des souffrances psychiques cachées pour ensuite parler des souffrances psychiques que je considère comme destructrices.
Parmi les souffrances manifestes, physiques, on trouve les symptômes récurrents qui ne sont que très rarement associés à l’électrosensibilité : insomnies, maux de tête, difficulté de concentration, problèmes d’élocution, chutes de tensions, acouphènes, contractures musculaires, douleurs articulaires et osseuses, arythmies cardiaques, problèmes digestifs, maux de ventre, difficultés à marcher, maladies de la peau, …
Mais il y a des souffrances cachées, que certaines personnes EHS gardent pour elles, parfois sans le savoir, pour tenter de faire bonne figure, de tenir et de résister.
La personne électrohypersensible se dit que tout va bien malgré tout et elle prend un cachet pour dormir, mais elle ne dort pas. Elle fait des efforts de concentration inouïs et se plante pourtant. Elle est max-sympa avec tout le monde, mais elle a des absences et n’arrive plus à parler. Alors, elle fait semblant de rien et se dit qu’elle est fatiguée et qu’elle n’a pas bien dormi… Et, elle est de plus en plus mal à l’aise, de plus en plus décalée dans ses relations.
La personne EHS tente de se convaincre qu’elle peut vivre comme tout le monde, elle se refuse parfois à faire le lien avec une intolérance aux ondes, soit parce qu’elle ne le sait pas, soit parce qu’elle ne veut pas le savoir. Elle peut aussi le savoir et refuser de l’admettre.
Et nous en venons à parler des souffrances destructrices.
Sans s’en rendre compte, elle devient irascible, avec un comportement qui peut être colérique, ou faire état d’une absence de relation, un retrait du monde social. L’entourage se plaint de son mauvais caractère, de ses idées bizarres, elle est décrite comme une personne « malade ».
Quoiqu’elle fasse la souffrance parait. Elle parait parce qu’elle souffre. Elle a mal et son humeur n’est pas bonne. Les relations ne sont plus possibles, soit du fait de l’expression d’un excès d’humeur, ou, au contraire, du fait d’un retrait.
Les conséquences directes sont l’éloignement social, la perte d’emploi, les relations difficiles, voire impossibles avec la famille mais aussi avec les administrations, les services de santé. L’hôpital n’est plus envisageable, pas même pour une visite.
Des conséquences qui engagent et convoquent encore de la souffrance.
Il en résulte, pour la personne EHS, un sentiment de non-existence du fait des ruptures sociales, familiales et professionnelles. La personne EHS est alors vue comme « une emmerdeuse », si elle s’exprime. Elle en vient à harceler ses voisins, sa famille… Pour elle, tout porteur de portable est vu comme un bourreau. Mais, aux yeux de la justice, c’est elle l’imposteur. Elle peut devenir l’objet de plaintes pour harcèlement ou agression, et cela peut aller jusqu’à la mise à l’écart, une condamnation, un internement en psychiatrie. Elle subit l’éclatement de sa famille, l’éloignement de ses enfants.
L’EHS est souvent une personne sensible, intelligente et empathique. Le monde qu’elle avait construit, patiemment, avec chaleur, est détruit, réduit à n’être qu’un souvenir. Un souvenir lointain pour elle, EHS. Ce temps où elle pouvait se mouvoir, entreprendre, être n’est plus. Elle doit en faire le deuil. Un deuil impossible. Harcelée, agressée par des ondes hostiles, elle est enfermée dans une boite, son univers est clos, un périmètre réduit à une pièce de la maison, une cabane en forêt, une tente, un mobil-home.
On la fréquente de moins en moins parce que, chez elle, il faut éteindre le portable, il n’y a pas de wifi, pas d’électricité. Elle vit la plupart du temps loin du monde. Elle est vue comme marginale, voire « malade psychique ».
À aucun moment sa souffrance n’est à la bonne place. Son corps est détruit par les ondes, son cerveau est massacré, son appareil digestif ne fonctionne plus, elle est au régime, elle souffre, les ondes la perforent, l’anéantissent…
Ce qu’il faut savoir :
-
- L’électrohypersensibilité aux ondes électromagnétiques d’origine artificielle est sans doute bien plus commune qu’on ne le croit
- La distinction entre l’électrosensibilité « normale » et l’électrohypersensibilité « maladive » est nette, et doit être maintenue
- Différentes voies existent pour devenir électrohypersensible
- La reconnaissance institutionnelle de l’électrohypersensibilité progresse
- La mise en évidence de plusieurs marqueurs biologiques plausibles écarte l’hypothèse de l’origine psychologique du syndrome d’électrohypersensiblité
- La reconnaissance médico-sociale se développe, sous l’angle du handicap fonctionnel, des maladies professionnelles et de l’habitat adapté
A – L’électrohypersensibilité aux ondes électromagnétiques est sans doute bien plus commune qu’on ne le croit
Depuis 1991, le nombre de cas déclarés d’EHS monte régulièrement. On estime actuellement qu’environ 2 ou 3 % de la population serait touchée. Des études faites en 2003 et 2004 avancent les chiffres de 8 % en Allemagne, 9 % en Suède et 11 % en Grande-Bretagne.
Un calcul prospectif fait en 2006 sur l’évolution des populations EHS connues en Europe indique qu’en 2017, 50 % des gens seraient susceptibles de devenir électro-hypersensibles à un degré ou un autre.
Si l’on applique une hypothèse minimale de 1 à 3 % à la population de la Belgique, l’électro-hypersensibilité concernerait entre 100 et 300 000 personnes. Ramenée à l’ensemble de la population de la population de l’Union Européenne, les électro-hypersensibles représenteraient 15,3 millions de personnes.
Année | % EHS | Pays | Référence |
1997 | 2,00 | Autriche | Leitgeb N. et al., 1998, 2005 |
1997 | 1,50 | Suède | Hillert L. et al., 2002 |
2001 | 6,00 | Allemagne | Schroeder E., 2002 |
2003 | 8,00 | Allemagne | Infas, 2003 |
2003 | 5,00 | Irlande | This is London, 2005 |
2003 | 9,00 | Suède | Eloverkansligas Riksf., 2005 |
2004 | 11,00 | Angleterre | Fox E., 2004 |
2004 | 9,00 | Allemagne | Infas, 2004 |
Letter to the editor : « Will We all Become Electrosensitive ? », Hallberg Ö, Oberfeld G., Electromagnetic Biology and Medicine 25, p. 189-191, 2006.
B – La distinction entre l’électrosensibilité « normale » et l’électrohypersensibilité « maladive » est nette, et doit être maintenue.
Nous sommes tous, à des degrés divers, électrosensibles, mais seule une faction de la population se déclare électrohypersensible.
De très nombreux symptômes sont associés à l’électrohypersensibilité. Maux de tête, raideur de la nuque, acouphènes, sensations de picotements ou de chaleur sur la peau, troubles de l’attention, de la concentration et de la mémoire immédiate… mais aussi insomnies, nausées, sensations d’oppression thoracique, de tachycardie ou de troubles digestifs. Avec le manque de sommeil, la fatigue chronique s’installe, causant un état dépressif avec des troubles du comportement, irritabilité, violence verbale. Le tableau est très varié et surtout non spécifique
«Il faut absolument distinguer d’un point de vue biologique ce que j’appelle le syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques (SICEM) qui décrit des symptômes, des effets des champs électromagnétiques sur l’organisme, et l’électrosensibilité (ES) qui cherche à comprendre le pourquoi et les causes de cette sensibilité, qu’elles soient innées ou acquises, » expliquait ainsi le cancérologue Dominique Belpomme en avril 2010, lors d’un colloque sur l’hypersensibilité organisé par le Réseau Environnement Santé (RES). Le Professeur Dominique Belpomme préside l’ARTAC, l’association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse. Avec Robin des toits et d’autres scientifiques dont le professeur Pierre Le Ruz, du Criirem (Centre de recherche et d’information sur les rayonnements électromagnétiques), le Prof. Belpomme a fondé l’ASTRE, l’alliance scientifique pour le traitement et la reconnaissance des malades électrohypersensibles.
(les maladies de l’hypersensibilité, cf colloque RES 2010)
C – Différentes voies existent pour devenir électrohypersensible
L’électrohypersenbilité peut résulter :
– d’une prédisposition génétique à l’électrosensibilité
– d’une prédisposition génétique éventuellement associée à un nombre plus important de magnétosomes (des cristaux de fer naturellement aimantés, présents par millions dans nos articulations et notre système nerveux)
– d’une sur-activité du cervelet, stimulé par les signaux d’un électro-sens archaïque, située dans la membrane cellulaire sous la forme d’une protéine « électroréceptrice »
– d’un excès ou d’un manque (hypocalcémie) de ions calcium au sein du milieu intracellulaire, qui entraînent une cascade de réactions en chaine produisant des radicaux libres et du stress oxydant
– d’une intoxication chimique via un empoisonnement aux métaux (plomb, mercure, fer…), ou la présence d’amalgames dentaires, et de prothèses métalliques (vis, stérilet, piercings, etc.)
– d’une surexposition soudaine ou cumulée, personnelle ou professionnelle (administrateur de réseau sans fil, conducteur de train, opérateur radio)
Malgré des symptômes similaires, chaque électrohypersensibilité individuelle peut donc avoir une origine différente, voire conjuguer une synergie de facteurs innés et acquis. Ce qui suppose des stratégies de traitement et de prévention personnalisées, adaptées à chaque cas.
D – La reconnaissance institutionnelle de l’électrohypersensibilité progresse
Si l’on voit apparaître la formulation de « sensibilité au champ électromagnétique » dans un article de 1991, le terme d’électrohypersensibilité, comprise comme un faisceau de symptômes que les victimes attribuent à une exposition aux ondes électromagnétiques, résulte d’un rapport d’experts européens, remis à la Commission Européenne en 1997.
En 2004, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a organisé dans la ville de Prague un atelier consacré à l’EHS. L’aide-mémoire n°296 publié l’année suivante en donne la définition suivante : « est caractérisée par divers symptômes que les individus touchés attribuent à l’exposition aux champs électromagnétiques. Parmi les symptômes les plus fréquemment présentés, on peut mentionner des symptômes dermatologiques (rougeurs, picotements et sensations de brûlures), des symptômes neurasthéniques et végétatifs (fatigue, lassitude, difficultés de concentration, étourdissements, nausées, palpitations cardiaques et troubles digestifs)… Si certains rapportent des symptômes bénins et réagissent en évitant autant qu’ils le peuvent ces champs, d’autres sont si gravement affectés qu’ils cessent de travailler et modifient totalement leur mode de vie. »
L’année 2009 constitue en France un tournant dans la reconnaissance sociale et politique de l’électrohypersensibilité. Les rapporteurs du Grenelle des ondes, une grande concertation de parties prenantes organisée par le gouvernement français sur la question des pollutions électromagnétiques, posent le principe d’une « prise en charge adaptée pour les personnes hypersensibles », sous deux formes : « la collaboration avec les équipes de l’hôpital Cochin dans la perspective d’élaborer un protocole d’accueil et de prise en charge de ces patients » et « la recherche sur les causes de ces symptômes ». En juillet 2009, le Plan national santé environnement 2009-2013 (PNSE2) prévoit dans son « action 24 » d’« améliorer la prise en charge des pathologies potentiellement dues à l’environnement » et, en particulier, « des personnes atteintes d’hypersensibilité aux facteurs environnementaux, notamment les ondes électromagnétiques ». Le rapport de l’Autorité Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail (AFSSET, devenu depuis ANSES) sur les effets des radiofréquences sur la santé, publié en France en octobre 2009, a apporté une reconnaissance supplémentaire aux symptômes de l’électrohypersensibilité.
Le 27 mai 2011, lors du vote de sa résolution sur « le danger potentiel des champs électromagnétiques et leur effet sur l’environnement, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a notamment recommandé à ses 47 états membres européens « de porter une attention particulière aux personnes «électrosensibles» atteintes du syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques et de prendre des mesures spéciales pour les protéger, en créant par exemple des «zones blanches» non couvertes par les réseaux sans fil ».
En 2014, le projet d’avis sur le syndrome d’hypersensibilité électromagnétique du Conseil Économique et Social Européen fut au cœur d’une lutte d’influence très disputée. Son vote en plénière, le 21 janvier 2015, fit l’objet de deux rapports distincts. La première proposition, défendue par le rapporteur, reconnaissait l’EHS et son lien à l’exposition aux champs électromagnétiques. La seconde proposition, finalement adoptée par 136 voix pour, devant 110 voix contre et 19 abstentions, reconnaissait « les traumatismes subis par les personnes en Europe qui estiment en être affectés », tout en affirmant « que l’exposition aux radiofréquences n’a pas de lien causal avec les symptômes de l’hypersensibilité électromagnétique ».
Une position reprise, en mars 2015, dans l’avis Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (SCENIHR) sur les effets potentiels sur la santé de l’exposition aux champs électromagnétiques et « qui considère que les recherches démontrent régulièrement qu’il n’y a pas de lien causal entre les symptômes rapportés par les patients et l’exposition aux champs électromagnétiques ».
« Possible health implications of subjectve symptoms and electromagnétic fields. A report prepared by a European group of experts for the European Commission », Berqvist U, Vogel E, DG V, Arbete och Halsa 19, 1997
Résolution 1815 (2011) « Le danger potentiel des champs électromagnétiques et leur effet sur l’environnement », Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
http://assembly.coe.int/nw/xml/xref/xref-xml2html-fr.asp?fileid=17994
Résolution sur l »hypersensibilité électromagnétique 06/2015 du Conseil Économique et Social Européen
http://www.eesc.europa.eu/fr/news-media/press-releases/hypersensibilite-electromagnetique-le-cese-plaide-pour-le-maintien-du-principe-de-precaution-par-la-voie-de-la
L’avis du SCENIHR du 6 mars 2015
http://ec.europa.eu/health/scientific_committees/consultations/public_consultations/scenihr_consultation_19_en.htm
E – La mise en évidence de plusieurs marqueurs biologiques plausibles écarte l’hypothèse
de l’origine psychologique du syndrome d’électrohypersensiblité
Entre mai 2008 et mars 2010, l’ARTAC a recensé 425 personnes se disant électrosensibles, explique le Prof Belpomme, cancérologue et président de l’ARTAC. Parmi ces EHS, 204 sont venues consultées, 190 ont réalisé des tests biologiques… Et 141 ont passé un encéphaloscan (écho-doppler cérébral pulsé), une technique d’imagerie cérébrale qui visualise les changements de débit vasculaire. « Ces examens ont permis d’éliminer toute cause psychiatrique ou une éventuelle pathologie causale comme les migraines ou l’accident vasculaire cérébral, et confirment l’ouverture de la barrière hémato encéphalique.»
«Les changements de débit sanguin observés sont en effet assez caractéristiques. Le profil d’hypoperfusion cérébrale mis en en évidence peut simuler une maladie d’Alzheimer. Près de cent malades ont déjà été explorés avec des résultats objectifs. Ceux-ci permettent de conclure à la réalité clinique et biologique du syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques (SICEM).»
Cinq ans après, dans un article scientifique paru en 2015, le Pr Belpomme récapitulait : « depuis 2009, nous avons investigué 1216 cas de malades se disant être atteints d’EHS et/ou d’hypersensibilité chimique multiple (MCS). A partir des 819 premiers cas, 521 ont été diagnostiqués EHS ; 52 MCS ; et 154 à la fois EHS et MCS. Deux patients sur trois EHS et/ou MCS sont des femmes, âgées en moyenne de 47 ans. »
Outre l’étude de l’ARTAC sur les marqueurs biologiques, parue en décembre 2015, le 5ème colloque de l’Appel de Paris, organisé à l’Académie Royale de Médecine, à Bruxelles en mai 2015, a ouvert la voie à une approche clinique globale : celle d’envisager qu’un même mécanisme soit à l’œuvre derrière des maladies apparemment aussi diverses que l’électrohypersensibilité, l’hypersensibilité chimique multiple, la fibromyalgie ou encore le syndrome de fatigue chronique. « Ces pathologies, EHS et MCS en particulier, présentent de nombreux points communs : une exposition préalable, des réactions d’hypersensibilité, des pathologies fréquemment présentes chez une même personne, des symptômes liés au cerveau, et d’autres à des tissus périphériques. »
Ces similitudes suggèrent la présence de deux mécanismes conjoints, « un cercle vicieux biochimique local, de sur-réaction à une exposition, un allergène, etc ; et une sensibilisation neurale connue sous le nom de potentialisation à long terme » a expliqué le biochimiste américain Martin Pall, soulignant ensuite dans ces processus le rôle clé joué par le calcium au travers des canaux calciques dépendant du voltage (abrégé CCVD en anglais). Le rôle central du calcium des membranes cellulaires dans la régulation de l’électrochimie du corps, et donc de son électrosensibilité, a déjà été souligné par d’autres chercheurs.
Ces canaux d’entrée du calcium dans les cellules, essentiels à la transmission du signal nerveux et caractéristiques des cellules nerveuses, qu’il s’agisse de cellules des muscles, du cœur, de l’intestin ou du cerveau. Influer et perturber le bon fonctionnement des CCVD initialiserait un premier niveau de sensibilité qui se manifesterait alors, selon les personnes, par toute une palette de symptômes. « Certaines personnes EHS répondront à l’exposition par une tachycardie et d’autres par une intolérance au glucose, sans être le cas pour d’autres. »
Des maladies émergentes telles que l’EHS, la MCS ou la fibromyalgie, seraient en quelque sorte des variantes d’une même classe de pathologie, un tronc commun que les médecins présents à Bruxelles ont dénommé : Intolérance idiopathique environnementale.
Au terme du colloque organisé à l’Académie royale de médecine à Bruxelles au sujet des intolérances environnementales, la déclaration signée par les 25 scientifiques appelle « tous les organismes et institutions nationaux à prendre conscience de ce problème majeur de santé environnemental et à prendre d’urgence leur responsabilité, plus spécifiquement l’OMS, en mettant à jour ses déclarations de 2005 et 2014 sur l’EHS et en reconnaissant l’EHS et le MCS comme incluses dans la classification internationale des maladies (CIM) comme cela est déjà le cas en particulier en Allemagne et au Japon qui ont classé le MCS sous un code spécifique. »
Rev Environ Health, 2015 Dec
F – La reconnaissance médico-sociale se développe, sous l’angle du handicap fonctionnel,
des maladies professionnelles et de l’habitat adapté
Depuis 2000, en Suède, l’électrohypersensibilité a été reconnue comme un handicap fonctionnel. L’association suédoise des électrohypersensibles est l’une des 43 associations membres de la fédération suédoise du handicap. A ce titre, l’association suédoise des EHS reçoit une subvention annuelle, en plus des aides allouées aux EHS eux-mêmes.
La reconnaissance de l’EHS comme handicap fonctionnel en Suède reprend les critères fixés par le droit international, en particulier la résolution 48/96 du 20 décembre 1993 des Nations unies concernant l’égalisation des chances des handicapé, l’EHS n’y est pas considérée comme une maladie et les personnes EHS ne sont pas des patients. Cette reconnaissance confère à ces personnes handicapées une protection juridique et leur permet aussi de bénéficier gratuitement de mesures d’accessibilité ainsi qu’à des aides locales et des pensions versées par l’état. Ils peuvent aussi saisir le médiateur à l’échelon local, européen, ou international… tout cela dans le seul but que les personnes victimes d’un handicap EHS puisse mener une vie à l’égal des autres dans une société fondée sur l’égalité des droits.
Les symptômes de l’EHS ont aussi été ajoutées en 2000 au sein du registre des maladies professionnelles (code ICD-10; R68.8/W90) par le Conseil Nordique des Ministres qui regroupe le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Suède et les régions autonomes des Iles Féroé, le Groenland et l’Åland.
Ces dernières années, la justice a reconnu plusieurs cas de maladies professionnelles comme liées à l’exposition aux ondes électromagnétiques. La Cour de cassation italienne en 2012 l’a fait pour un cadre atteint d’une tumeur bénigne au cerveau suite à l’usage intensif d’un téléphone portable ; et le tribunal administratif fédéral d’Allemagne l’a fait en 2014 chez un opérateur radar devenu EHS suite à son exposition chronique aux micro-ondes. En juillet 2016, le Tribunal supérieur de Justice de Madrid a reconnu une situation d’incapacité permanente totale pour l’exercice de sa profession chez un ingénieur en télécommunications souffrant d’EHS
En France, les décisions de justice en faveur des EHS sont aussi prises. Au terme d’un long feuilleton judiciaire entamé en 2006, la Cour de Cassation a condamné en octobre 2012 un opérateur de téléphonie mobile à indemniser une électrosensible Strasbourgeoise pour la protection de son logement contre les ondes électromagnétiques. Des travaux d’isolation ont également effectué en avril 2014 dans l’Essonne, en région parisienne au domicile d’un jeune scientifique devenu EHS, grâce à une aide matérielle octroyée par la Maison départementale locale des personnes handicapées. En juillet 2015, une action en justice via le Tribunal du contentieux de l’incapacité de Toulouse permit à une jeune femme électrosensible d’obtenir une allocation d’adulte handicapé pour une déficience fonctionnelle évaluée à 85 %.
Depuis 2002, la reconnaissance du handicap en Suède s’est aussi traduit par des aménagements de poste de travail, de domicile. Voire la mise à disposition d’habitations situées dans des zones semi-blanches. Des chambres spécialement aménagées pour les EHS ont été prévues en milieu hospitalier pour les accueillir. En France, en Suisse et en Italie, des habitats adaptés ont également été créés suite à la demande des EHS.
En Suisse allemande, à Zurich, un immeuble d’appartement « sans ondes » a été bâti contre la montagne, aux bords d’une forêt. « Achevé en décembre 2013, ce premier immeuble anti-allergène d’Europe a coûté 6 millions de francs suisses (4,9 millions d’euros), les matériaux et les technologies utilisés majorant le coût d’environ 25 % par rapport à un immeuble zurichois classique. La coopérative que préside Christian Schifferle a bénéficié du soutien de la ville, qui a fourni le terrain de 1 200 mètres carrés et une aide financière » rappelle un article du Monde publié en août 2014.
Le bâtiment a été conçu pour abriter des personnes électrohypersensibles et souffrant d’hypersensibilité chimique multiple. Pensé comme une cage de Faraday, l’immeuble est doté d’un minimum de prises de courant et gainé de câbles blindés limitant les émissions basses fréquences. Sol en pierre, murs peints à la chaux… les matériaux naturels ont été privilégiés, tout comme la purification de l’air afin d’évacuer toutes poussières ou molécules allergènes.
« Tous les habitants de l’immeuble ont dû, pour obtenir un appartement, justifier de leurs symptômes en présentant un certificat médical. Des critères sociaux sont aussi requis pour bénéficier d’un logement, dont le loyer mensuel oscille entre 1 300 et 1 700 francs suisses (1 000 et 1 400 euros), en grande partie pris en charge par la mairie de Zurich. » 14 personnes y résident à l’année, tous ont du présenter un certificat médical pour en bénéficier.
« Electrohypersensitivity : State-of-the-Art of a Functional Impairment », Johansson O, Electromagnetic Biology and Medicine, 25, p. 245-258, 2006.
http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/08/12/a-zurich-le-premier-refuge-europeen-pour-electrosensibles_4470194_3244.html